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DES ÉCLAIRS DANS LES TÉNÈBRES

tout en parlant, l’incomparable vieillard prenait le soin de rouler des larmes dans ses yeux.

Un nommé Chabert, ingénieur, qui, par la suite interrogé, refusa de s’expliquer, réunit souvent dans son cabinet Cornelius Herz et Reinach. Il leur servait d’arbitre. À plusieurs reprises Reinach le chargea d’argent pour Cornelius. Ces remises de fonds se faisaient sans reçu. Entre les deux complices éclataient des querelles continuelles et de quel ton violent ! Puis dans le moment de leurs plus grandes fureurs, ils se remettaient, paraissaient au mieux. Ils déclaraient leurs affaires terminées, et dès le lendemain en commençaient de nouvelles qui ramenaient les mêmes crises. En septembre 1887, Reinach écrivait : « Mon cher Chabert, les comptes ont été clos devant vous à mon bureau, par sa parole d’honneur de ne plus me demander aucun prêt. » Les comptes étaient si peu clos que, vers la fin de mai 1888, quand le parti radical arrivait au pouvoir et que Cornelius, appuyé sur Clemenceau, était tout-puissant, le baron de Reinach suppliait M. de Lesseps de lui remettre dix à douze millions, se disant ruiné, pressuré par Cornelius Herz et dans une telle angoisse que ses battements de cœur l’allaient faire périr. M. de Lesseps ayant répondu à Reinach qu’il ne pouvait pas lui donner plus de trois millions cinq cent mille francs, un officier d’ordonnance vint le