Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/231

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apparurent, et en tête le plus considérable et le plus dangereux, la Noire Marie, de Forcelles-sous-Gugney, à qui le couvent n’était pas payé. Leurs derniers amis les abandonnaient. M. Magron, le curé de Xaronval, ayant rencontré Quirin dans une rue de Nancy, détourna la tête pour ne pas le saluer. L’honnête M. Haye lui-même les avait, paraît-il, blâmés nettement. Ils ne pouvaient plus faire un pas hors du couvent sans que des polissons se missent à crier « Cra ! Cra ! » de toutes leurs forces. Et même des personnes notables n’hésitaient pas à leur jeter à la face le terrible « Au loup ! Au loup ! » qui les mettait hors la loi. Les pauvres frères Hubert et Martin étaient poursuivis à coups de pierres, et les sœurs entendaient souvent grommeler sur leur passage les mots que l’on réserve aux femmes de mauvaise vie. Leurs biens étaient saccagés. Si quelque étranger se détournait pour ne pas fouler leurs récoltes, il se trouvait toujours un méchant drôle pour dire : « Passez dedans, allez ! c’est de l’avoine de cochons. » Dans le village, il ne leur restait plus qu’une poignée de fidèles, fort insensibles aux débats théologiques et bien incapables d’y trouver un sens, mais grisés par ces cérémonies étranges, dociles comme d’excellentes