Page:Barrès - La Colline inspirée, 1913.djvu/363

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Léopold Baillard. C’est bon à Napoléon III, sur le trottoir où il est descendu avec angoisse pour avoir plutôt des nouvelles, sur le trottoir devant la petite sous-préfecture de Sedan, de murmurer : « Quelle suite de fatalités inexplicables ! » Pour Léopold, rien de plus clair, rien de plus attendu. Ces fatalités inexplicables accomplissent la terrible prophétie, dont voilà dix ans qu’il guette avec frénésie les signes avant-coureurs dans le ciel de Lorraine.

Pendant des semailles, le petit village de Saxon, à l’écart des grandes routes qui mènent vers Paris et sur lesquelles se hâtaient les troupes prussiennes, subit la guerre sous la forme la plus primitive, sous la forme de la razzia, entendez qu’il fut dépouillé de ses grains, fourrages, bétail, chevaux, bref réquisitionné sans merci. On n’y connut que de ouï-dire les grandes catastrophes de la France. Mais un soir enfin, Léopold obtint sa récompense : un soir, il vit de ses yeux le désastre vengeur, et sous les couleurs de feu que son imagination avait toujours annoncées.

Dans la nuit du 1er ou 2 octobre, à quatre heures du matin, six hommes de la landwher, logés dans différentes maisons de Vézelise pour assurer le service des approvisionnements,