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LA COLLINE INSPIRÉE

le moment où se consommait la ruine matérielle de Léopold Baillard, l’évêque lui enleva son titre de Supérieur général de la Congrégation des Frères de Sion-Vaudémont, et fit connaître aux religieux du couvent qu’ils eussent à descendre immédiatement de la sainte colline.

Quel naufrage ! À cinquante ans, à l’âge normal des récoltes, le fondateur de Flavigny, de Mattaincourt, de Sainte-Odile, le Supérieur des Frères de Sion-Vaudémont n’est plus rien que le curé de la toute petite paroisse de Saxon, où l’assistent ses deux cadets François et Quirin. De leur temporel, de tout ce qu’ils ont construit avec tant de peine, à la sueur de leur front et au prix même de leur patrimoine, c’est tout juste si les trois frères peuvent, sous le prête-nom de quelques pauvres sœurs demeurées fidèles, sauver le couvent de Sion pour leur servir d’abri. De leur spirituel, rien ne leur reste que le droit de dire la messe, et voici que l’évêque, pour en finir, va le leur arracher et déjà lève la main…

Léopold s’attarde au lieu de se courber. Il cherche à retenir ses sujets, tous ces frères et toutes ces sœurs qui fuient sa ruine, qui glissent sur les pentes de Sion, qui s’envolent comme des feuilles d’automne. Voilà qu’il