Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/10

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tition des intérêts. Ces groupes constituent proprement des nations dans la nation, car chacun d’eux conçoit à sa manière la loi interne du développement de ce pays1.

Un incident surgit-il, au lieu d’être examiné en soi et résolu dans l’intérêt général, il est interprété par chaque parti et d’après la définition spéciale qu’on y donne de la France.

On regarde dans ces petites chapelles la pensée comme le monde réel et véritable ; on passe seulement ensuite au monde sensible. Il semble, qu’à leurs yeux, la France ait cessé d’être de la terre et des hommes pour devenir un théorème, un objet de dialectique destiné à exercer la perspicacité de l’esprit ou le sens de la discussion. Des intérêts, qu’il faudrait examiner comme des cas particuliers et dans les conditions où ils se présentent, sont jugés d’après des axiomes généraux déduits par des idéologues d’une définition que d’autres idéologues leur contestent ; et l’on s’explique alors la pleine importance de cette affaire Dreyfus : une apparence dressée par des conspirateurs et autour de laquelle des métaphysiciens viennent faire leur orgie.


Ces métaphysiciens, ne nous étonnons pas de leur influence sur les imaginations françaises. Dans cette France sur qui fut accomplie, d’après Renan, à la fin du dix-huitième siècle, l’opération la plus hardie qui ait été pratiquée dans l’histoire, — opération que l’on peut comparer à ce que serait, en physiologie, la tentative de faire vivre en