Page:Barrès - La Terre et les morts.djvu/24

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Qu’il nous éclaire et nous conduise toujours dans le droit chemin, qui mène vers lui. » Si, parmi les fils, il en est qui ne soient pas portés à croire à l’existence personnelle des morts, vont-ils combattre cette croyance, qui est pour leur mère veuve un espoir de réunion ? Non, car il n’y a pas plus de raison scientifique pour nier que pour affirmer. Ils traduiront la prière dans une autre langue : « Ce que nous pleurons, ce n’est pas un corps rendu à la terre, c’est une affection qui nous enveloppait, une conscience qui nous dirigeait. Ce qui était lui, c’étaient ses conseils, ses bienfaits, ses exemples : tout cela est vivant dans notre souvenir. Que sa pensée nous soit toujours présente dans les luttes de la vie. Il y a des heures où l’ombre est bien épaisse : que ferait-il à notre place ? que nous dirait-il de faire ? C’est là qu’est le devoir, par cela que nous pensons à lui, sa force bienfaisante s’étend sur nous comme pendant sa vie : c’est ainsi que les morts tendent les mains aux vivants. »

Rendons hommage, Messieurs, à ces fortes pensées d’un philosophe, et munis d’une telle autorité, qui nous émeut si nous savons la méditer, ne craignons pas de poursuivre.

Voici sur notre sol de France une autre famille rassemblée. En deuil, elle aussi. La mère, les fils vont voir un profil étranger. Son mari, leur père, était allemand, anglais, italien. La pensée qui animait ce mort est toujours vivante dans leur conscience. Je ne leur demanderai pas de conseil ; parfois, je les écouterai avec intérêt, car dans leurs âmes, pour moi tant de choses sont nouvelles, surprenan-