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Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/121

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UN HOMME LIBRE

il s’était composé de la vie une vision sentimentale et dominée par un dégoût très fin. Cette intelligence frissonnante fut la plus minutieuse, la plus exaltée, la plus érudite, la plus sincère, jusqu’au jour où, envahie de paresse, elle se négligea soi-même pour travailler simplement, et dès lors eut du talent, de l’avis de tout le monde, mais comme tout le monde.

Jeune homme, si dégoûté que tu cédas devant les bruyants, ne souillons pas notre pensée à contester avec les gens de bon sens qui sacrifient ton adolescence à ta maturité. Il n’est que moi qui puisse te comprendre, car tu me présentes, poussés en relief, quelques-uns de mes caractères.

À vingt-cinq ans, sous le même toit que ta mère, dans ta chambre, tu travailles. Je vois sur tes tables des poètes, tes contemporains, des mystiques, tels que l’Imitation et Saint-Martin, des médecins philosophes, Destut de Tracy, Cabanis, puis des journaux, des revues, car ton esprit toujours inquiet accepte les idées du hasard, en même temps qu’il poursuit un travail systématique. J’entends ta