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Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/147

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UN HOMME LIBRE

dance déplorable au précis, au voulu, un acharnement à l’élégance méticuleuse.

Au quinzième siècle, à côté de cette grêle malice, l’âme lorraine fait voir un sens humain de la vie très profond, une grande pitié. Ce petit peuple, qui s’agenouillait devant la Dame de Bon-Secours et qui haïssait la servitude, ne laissait pas de ressentir des frissons tragiques. Comme Michel-Ange, qui presque seul au milieu d’un peuple d’imagination riante, reçut une empreinte des horreurs de l’Italie guerrière, Ligier-Richier dramatisa parmi les Lorrains, qui, sans trêve foulés, gouaillaient. Quelle simplicité, quelle franchise ! Il est bien le frère des héros naïfs de cette race ! Ah ! l’admirable voie que c’était là ! Ne discutons pas la force sublime de l’Italien, mais à Saint-Mihiel, près de la Mise au tombeau, à l’église des Cordeliers, près du monument de Philippe de Gueldres, nous rêvons un art débarrassé de cette rhétorique qu’à certains jours on croit toucher dans Michel-Ange : un art ayant toute la saveur tragique du langage populaire, où n’atteint jamais la plus noble éloquence des poètes. Mais cette