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Page:Barrès - Le culte du moi : un homme libre.djvu/198

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UN HOMME LIBRE

une calvitie, une forte barbe courte, et une pointe au menton. Je sens comme une barre de migraine sur ses yeux et sur son front. Cet homme fut poli et froid, sans le moindre souci de plaire. Il avait des amis, mais ne se livra jamais, et nul ne put compter sur lui. S’il s’attachait, c’était par une sorte d’instinct profond ; le manieur d’hommes le plus souple désespère de séduire celui-là.

Quand je contemple cette physionomie impérieuse, mes lenteurs me donnent à rougir. Je n’ai pas su encore m’emparer de moi-même ! Du moins j’ai visité soigneusement mes ressources, je connais les fondements de mon Être dès lors, me perfectionnant chaque jour dans le mécanisme de Loyola, je dirigerai mes émotions, je les ferai réapparaître à volonté ; je serai sans trêve agité des enthousiasmes les plus intéressants et tels que je les aurai choisis.

Sur le même mur, une gravure d’après un jeune homme de Rembrandt : la bouche entr’ouverte, la lèvre supérieure un peu relevée, les yeux superbes, mais éteints, toute la figure dégoûtée, anéantie. Je lui disais : « Ô