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UN HOMME LIBRE

étincelle dans des âmes sauvées de l’assoupissement. Cependant, et voilà ma contradiction, je me désespérais que l’Objet fût telle. Seule son infâme ingéniosité m’intéressait à elle, et je la lui reprochais, me plaisant à lui détailler tout haut, combien elle violait les lois ordinaires de la nature et de la bienséance.

Amoureuse d’absurde, autant que je le suis, et vaniteuse, elle prenait un goût très vif à mes irritations. Nous en plaisantions l’un et l’autre, mais parfois j’étais presque brutal, et parfois encore j’étais près de regretter qu’elle fût un objet irréparablement gâté.

Mais sans trêve, au fond de moi, quelqu’un riait disant : « Ah ! l’insignifiante parade ! Ah ! que ces choses me seraient indifférentes, s’il me plaisait d’en détourner mon regard ! »

De telles expériences, menées avec trop de zèle, présentent quelque danger. C’est le jeu un peu fébrile du pauvre enfant qui, par un jour de pluie, assis dans un coin de la chambre, examine son jouet au risque de le casser, — non loin des grandes personnes qui sont, en toutes circonstances, un châtiment imminent.