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UN HOMME LIBRE

m’attendrissais que sur moi-même. J’imaginais le système de vie que j’aurais mené avec elle, et je me désespérais qu’une façon d’être ému, que j’avais entrevue, me fût irrémédiablement fermée. Au résumé, j’aurais voulu recommencer avec elle la solitude méditative que Simon et moi nous tentâmes. Retraite charmante ! Ma méthode, en étonnant l’Objet, m’eût paru rajeunie à moi-même. Puis ces commerce d’idées avec des êtres d’un autre sexe se compliquent de menues sensations qui meublent la vie.

Ainsi, à étudier ce qui aurait pu être, j’empirais ma triste situation. Et, piétinant ma chambre banale, je suppliais les semaines de passer. Il est évident que ça ne durera pas, mais les minutes en paraissent si longues ! J’ai connu une angoisse analogue sur le fauteuil renversé des dentistes, et pourtant l’univers, que je regardais désespérément par leurs vastes fenêtres, ne me parut pas aussi décoloré que je le vis, durant ces nuits détestables et ces après-midi où je me couchais vers les trois heures et m’endormais enfin, hypnotisé par mon idée fixe, éclatante parmi le terne