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APPENDICE

nous stérilise. Comment ne serait-ce point ainsi ? En eux, je vivais depuis les commencements de l’être, et des conditions qui soutinrent ma vie obscure à travers les siècles, qui me prédestinèrent, me renseignent assurément mieux que les expériences où mon caprice a pu m’aventurer depuis une trentaine d’années.

Quand des libertins s’élevèrent au milieu de la France contre les vérités de la France éternelle, nous tous qui sentons bien ne pas exister seulement « depuis le temps d’Olivier Cromwell » nous dûmes nous précipiter. Que d’autres personnes se croient mieux cultivées pour avoir étouffé en elles la voix du sang et l’instinct du terroir ; qu’elles prétendent se régler sur des lois qu’elles ont choisies délibérément et qui, fussent-elles très logiques, risquent de contrarier nos énergies profondes ; quant à nous, pour nous sauver d’une stérile anarchie, nous voulons nous relier à notre terre et à nos morts. Je n’accourus pas « soutenir des autels que j’avais ébranlés », mais soutenir les autels qui font le piédestal de ce moi auquel j’avais rendu un culte préalable et nécessaire.

Les lecteurs et M. Doumic me pardonneront-ils de cette explication pro domo ? Je ne mérite pas les reproches ni le veau gras que connut successivement l’enfant prodigue. Je n’ai aucun passé à renier. Nous avons voulu maintenir la maison de nos pères que les invités ébranlaient. Quand nous