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un homme libre

Nous décidâmes de passer ensemble les mois d’été à Jersey.

Cette villégiature est méprisable : mauvais cigares, fadeur des pâturages suisses, médiocrités du bonheur.

Nous eûmes la faiblesse d’emmener avec nous nos maîtresses. Et leur vulgarité nous donnait un malaise dans les petits wagons jersiais bondés de gentilles misses.

À Paris, nos amies faisaient un appareillage très distingué : belles femmes, jolis teints ; ici, rapidement engraissées, elles se congestionnèrent. Elles riaient avec bruit et marchaient sottement, ayant les pieds meurtris. Dans notre monotone chalet, au bord de la grève, le soir, elles protestaient avec une sorte de pitié contre nos analyses et déductions, qu’elles déclaraient des niaiseries (à cause que nous avons l’habitude de remonter jusqu’à un principe évident) et inconvenantes (parce que nous rivalisons de sincérité froide).

Ah ! ces homards de digestion si lente, dont nous souffrîmes, Simon et moi, durant