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UN HASARD QUE TOUT NÉCESSITAIT

La spéculation financière s’est ralentie en 1884 et la Vraie République, un des journaux où collabore Renaudin, entre en demi-sommeil ; c’est-à-dire qu’on la fabriquera chaque matin avec la composition d’autres journaux en n’y donnant de neuf qu’un ou deux articles littéraires non payés. Cela s’appelle « mettre un journal en pension ». L’ingénieux Renaudin entrevoit que ses amis et les jeunes littérateurs de leur entourage pourraient rédiger le journal, lui donner de l’allure et que Portalis ou Girard séduits par cette collaboration originale et gratuite, pourraient s’intéresser à la Vraie République et, qui sait, lui en confier la sous-direction.

Comment s’étonner si ces jeunes gens accueillent l’offre de leur camarade. Quand une société reconnaît ses vérités vitales à ce signe qu’elles obtiennent la majorité des suffrages exprimés, l’art du polémiste ou de l’avocat, — c’est tout un, — tient le premier rang. Dans leur cité naturelle, ces Lorrains auraient un emploi utile ; on leur offrirait un mandat de conseiller municipal ; si jeunes, ils organiseraient la fanfare, se préoccuperaient de la voirie, des eaux et des centimes additionnels. Dans cette cité artificielle, qu’est le Quartier latin, des organisateurs ne trouvent d’autre emploi que de mener la Conférence Molé, comme fait Suret-Lefort, de discuter, comme fait Rœmerspacher, les règlements et les catalogues des bibliothèques et de la Faculté, de rêver avec Sturel. Mais enfin, pour mener, réclamer et divaguer, le journalisme, voilà le vrai moyen des êtres livresques.

Rœmerspacher propose et esquisse immédiate-