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LES DÉRACINÉS

de la vigueur, de la confiance en soi, la connaissance de leurs origines et de leur but. Ils sont nés d’un mouvement de haine contre la forme sociale existante et luttent pour l’anéantir, cependant que l’administration cherche à les écraser.

Quant à la noblesse, qui, avec les bureaux, la religion et la terre, encadrait et constituait l’ancienne société, c’est une morte : elle ne rend aucun service particulier, ne jouit d’aucun privilège, et, si l’on met à part quelques noms historiques qui gardent justement une force sur les imaginations, elle ne subsiste à l’état d’apparence mondaine que par les expédients du rastaquouérisme.

Voilà les groupements distincts qui devraient coopérer, en exécutant chacun sa tâche propre, à un effet final et total qui serait la prospérité de la communauté française. Voilà les masses selon lesquelles la nation est ordonnée. Sur les vigoureuses épaules de ces diverses équipes sont portés tous les hommes influents, tous ceux dont le nom est prononcé avec amour ou respect. Ils semblent exister par eux-mêmes : ils n’ont de solidité que s’ils sont installés sur ces blocs. L’homme soutenu, soit par les bureaux, soit par l’une des deux Églises de la révélation et de la science, soit par la terre, soit par l’argent de banque et d’industrie, soit par les associations ouvrières, c’est une puissance. Et celui qui représenterait, qui unirait en lui ces divers syndicats, serait l’homme national, le délégué général, le chef.

Mais entre ces divers groupes d’énergie, — nous venons de le constater quand nous essayions de les caractériser très brièvement, — il n’y a point de