Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/334

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
324
LES DÉRACINÉS

— Les gens dont l’extérieur trahit qu’ils sont nés hors Paris, ont un air départemental ; Saint-Phlin, lui, a le ton provincial. Cette petite différence est d’un défaut à une perfection.

Cependant Suret-Lefort trouve que voilà bien des gestes inutiles, et répète dédaigneusement à part soi : « Poètes ! poètes !… » Il en est un lui-même, s’il entend par ce mot, comme je crois le comprendre, des individus qui reçoivent des choses une impression plus grande que ne sont ces choses. Les conséquences de cette sensibilité peuvent être admirables, parfois aussi pitoyables. Il ne faut pas que le bruit d’un sou qui tombe dans notre sébile couvre pour nous toutes les voix de l’univers : Suret-Lefort, qui méprise ses amis de tant disserter sur le développement national, sur la nécessité d’un homme drapeau, sur la possibilité de retrouver un lien social religieux en dehors des religions révélées, tient pour le centre de l’univers la Conférence Molé, dont il est l’un des membres les plus considérés. Il se propose de lui consacrer dans la Vraie République une série d’articles.

On sait que « la Molé » a été fondée en 1832 par les frères Bocher, les fidèles de la famille d’Orléans, et par quelques-uns de leurs amis, pour débattre des questions de législation, d’histoire et d’économie politique. Les séances de ce simili-parlement se tiennent une fois par semaine, de novembre à juin, dans la salle de l’Académie de médecine où il y a des pupitres comme à la Chambre, un bureau, une tribune, un centre, une extrême droite et une extrême gauche. La Conférence publie un bulletin hebdomadaire, contenant un résumé des discussions