Page:Barrès - Les Déracinés.djvu/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
LES DÉRACINÉS

un journal jeune, ardent, désireux de bien faire et d’attirer l’attention. » Une note technique accompagnait.

Racadot, par Mouchefrin, répondit :

— C’est 1,000 francs.

Astiné les avança de son propre argent. Elle avait engagé quelques pierres chez des marchandes à la toilette, dont elle aimait la société. Racadot s’accusa d’avoir manqué d’exigence. Il marcha huit jours dans le sens promis, puis fit savoir que cette campagne nuisait à son journal. Astiné le pria de passer chez elle et, l’ayant invité à parler vite et net, ne manifesta aucun étonnement quand il dit qu’à moins de 30,000 francs il allait se taire. Les billets de banque n’ont pas pour cette jolie femme la même force émouvante que pour Racadot, qui guette tous les mouvements de son visage. Parce qu’elle a répondu avec flegme : « Je vous transmettrai la réponse », il se crie en dedans de soi-même : « L’affaire est dans mon sac ! »

Quelle maladresse par avidité ! Il y a moyen de trouver là dedans les 750 francs à payer chaque mois pour la location de la Vraie République ; Racadot prétend en vivre totalement. Et parce qu’une Astiné n’est pas surprise d’une grosse somme, il croit que l’intéressé n’hésitera pas davantage. Même, ces ressources aléatoires, déjà il les fait entrer en compte dans ses prévisions. C’est qu’il en est aux expédients : le 1er janvier 1885, il vient de donner une délégation sur le fermier de ses annonces, aliénant ainsi une recette de 2,500 à 3,000 francs par mois.

Le 15 février, il connut la réponse : le diplomate et les commerçants syndiqués pour la circonstance