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LE LYCÉE DE NANCY

dans les carrières diverses où vous appelleront vos dons naturels, vos justes ambitions et le choix des autorités légitimes. Vous cessez d’être mes élèves ; vous devenez mes amis. Toujours je serai heureux si l’un de vous monte mon escalier. « Avant de partir, je voudrais, une fois encore, tâcher de vous être utile. Laissons de côté le cours, laissons de côté l’examen de fin d’année ; vous pouvez l’envisager avec bon espoir. Je voudrais considérer avec vous un plus long espace et chercher à distinguer, d’après ce que je sais de vos aptitudes, comment vous collaborerez aux destinées de la patrie. »

Alors cet homme admirable descendit de sa chaire, et, se promenant le long des bancs, commença de dire une façon de bonne aventure à chacun de ces enfants, tremblants de gêne et d’orgueil. C’était exactement le sorcier de jadis, mais d’aspect moderne. Il disposait des mêmes forces, — autorité dans le regard, intonation prophétique, et psychologie pénétrante. — L’âme un peu basse de cet homme, qui leur faisait l’illusion d’un philosophe et qui n’était qu’un administrateur, se trahissait en ceci qu’il les avertissait sur leur emploi et non sur leur être. Il voyait partout des instruments à utiliser, jamais des individus à développer.

— Monsieur Rœmerspacher, il faut que vous entriez à l’École normale. Vous avez de la puissance de travail, peu de faculté imaginative, un grand bon sens, de la santé intellectuelle. Voilà ce qui convient dans notre Université à une époque où il s’agit d’unifier les caractères.

« A vous aussi, monsieur Sturel, on pourrait