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UNE ANNÉE DE LUTTES

vention existe, appuyée par un personnage considérable. Je ne vois rien en cela, d’ailleurs, qui puisse émouvoir M. Sturel.

Mademoiselle Alison, de ses beaux yeux animés, jetait à son ami une telle interrogation que Suret-Lefort, présent à cette scène, se disait : « Ce n’est pas pour Sturel une question de mensualité, mais de 50,000 francs de rente. »

— J’affirme, répondit Sturel, que s’il y a quelque demande de cet ordre, je l’ignore et j’y suis absolument opposé.

— À mon avis, — dit Nelles, avec cette courtoisie affectée qui passe l’insolence, — le sacrifice ne valait que pour vous être agréable ; et si mon opinion a quelque valeur, on refusera.

— Je vous en serai obligé, monsieur, conclut Sturel, tout pâle de ce qu’il tenait pour une agression.

Il sortit avec Suret-Lefort et voulut, sur l’heure, prévenir Rœmerspacher :

— J’en ai assez de Racadot ; coupons court et quittons-le.

— Il faut avouer, répondit Rœmerspacher, que tu n’avais pas le droit de faire le délicat en son lieu et place. Tu pouvais quitter son journal ; mais pourquoi anéantir sa subvention ?

Sturel fut interloqué, non détourné par ce juste reproche.

— Enfin, tout est louche là-dedans. Je veux vivre indépendant et selon mes idées très simples sur l’honneur ; Racadot et son journal salissent mes imaginations.

Rœmerspacher fumait sa pipe en silence. Il admi-