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CHAPITRE II

DANS LEURS FAMILLES

Le reste de l’année fut absorbé par la niaise préparation des examens, où ces jeunes gens réussirent. Bacheliers, ils quittèrent définitivement le lycée pour rentrer dans leurs familles. C’était la liberté, mais non un bonheur de leur goût.

Autour d’eux pourtant, il y avait l’été, puis l’automne, si beau dans ces pays de l’Est ! Mais, Gallant de Saint-Phlin excepté, ils ne sentaient pas la nature, ne savaient pas l’utiliser. En leur fermant l’horizon pendant une dizaine d’années, on les avait contraints de ne rien voir qu’en eux.

Si cette éducation leur a supprimé la conscience nationale, c’est-à-dire le sentiment qu’il y a un passé de leur canton natal et le goût de se rattacher à ce passé le plus proche, elle a développé en eux l’énergie. Elle l’a poussée toute en cérébralité et sans leur donner le sens des réalités, mais enfin elle l’a multipliée. De toute cette énergie multipliée, ces provinciaux crient : « À Paris ! »

Paris !… Le rendez-vous des hommes, le rond-point de l’humanité ! C’est la patrie de leurs âmes, le