Page:Barrès - Les Diverses Familles spirituelles de la France, 1917.djvu/315

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tolérante n’est plus une religion, mais une religiosité. C’est par cette tolérance, si fortement à la mode, que les religions périraient, car elles meurent d’elles-mêmes, on ne les tue point ; en les persécutant, on les fortifie. »

Saint-Saëns n’a pas tort. Mais tout de même, il n’a raison qu’à demi. Il faut situer de tels épisodes dans l’atmosphère d’immense charité de la guerre. Nulle tiédeur. Ils sont tout brillants. Et quel motif d’inspiration un musicien de génie ne trouverait-il pas dans la scène que je vais noter, où deux thèmes de guerre civile s’enlacent et s’élèvent étroitement réconciliés au-dessus d’un pauvre cercueil.

Un jour de cet automne 1946, m’écrit le pasteur Jacques Pannier, un obus tua du même coup à leur batterie deux maréchaux des logis, amis intimes : l’un catholique, l’autre protestant. Au service funèbre, l’autre aumônier et moi nous marchions côte à côte derrière les deux cercueils ; il n’y eut pas, en vérité, deux cérémonies successives, mais une cérémonie double, dont les parties alternatives s’harmonisaient parfaitement. L’abbé dit le Pater, je récitai le Credo. Pourquoi aurions-nous répété deux fois la même oraison, la même confession de foi ? L’abbé dit : Requiem