Page:Barrès - Les Diverses Familles spirituelles de la France, 1917.djvu/92

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voyant venir dans le ciel, à la lueur des fusées, une flotte de nuages chargés de pluie, il les salue en lui-même du chant des mariniers du premier acte de Tristan. Au fond des tranchées, en première ligne, il note que les seuls événements de son histoire « ce sont les changements de l’ordre naturel, la tombée de la nuit, la naissance du jour, un ciel couvert ou étoilé, la chaleur ou la fraîcheur de l’air. Cette confusion avec la vie du monde donne à notre vie une grandeur, une beauté incomparables… »

Ainsi attaché à la splendeur universelle, il défie le destin. « J’ai confiance que quoi qu’il arrive aujourd’hui, demain, dans huit jours, je me suis monté assez haut pour dominer les événements et ne les regarder qu’avec curiosité. » Et le voilà qui lève son regard : « Le ciel est tout bleu. Bourdonnement d’avions. Nous assisterons encore aujourd’hui à des luttes. À voir les avions se chercher, foncer l’un sur l’autre, se mitrailler,