Page:Barrès - Un jardin sur l’Oronte, 1922.pdf/47

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déserts et sur les tapis éclatants, que de proie pour la douleur et pour l’amour ! »

Quand la musulmane chantait, les paroles, pourtant si tendres, faisaient la moindre importance de cet enchantement. Mais un cœur fier éclatait, une eau fraîche jaillissait, sur des mains brûlantes de fièvre. Elle murmurait des cris insensés qui enthousiasment le sang : « je suis vivante », ou bien « je suis reconnaissante », et les mots « jeunesse » et « mourir », et l’on était épouvanté de se sentir ravi d’une mortelle poésie. Après chaque strophe, elle avait une pause, un temps de rêverie, puis une sorte de gémissement, en notes vagues, et suspendait de se raconter pour qu’on suivît mieux son sillage, comme la fusée, à mi-route des étoiles, épanouit son cœur brûlant et retombe en gerbe de feu.