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LES MILIEUX SYMBOLISTES

compagnie de Villiers de l’Isle-Adam, Mendès, Fourcaud, Wilder, Wyzeva, Rod, Wagner, il avait tenté, non sans succès, de faire pénétrer dans le public les principes généraux de l’esthétique wagnérienne. Après la disparition de cette revue (1887), il n’avait dirigé la troisième série de la Revue indépendante que pour sauver le symbolisme « des naïvetés diaboliques » au milieu desquelles, un journal, au début audacieusement dévoué aux théories des jeunes, finissait par noyer la nouvelle école.

8. Il s’agit du Décadent dont le directeur était Anatole Baju. Originaire de la Creuse, le directeur de cet hebdomadaire, à son origine de 4 pages in-folio, était instituteur à l’école laïque de Saint-Denis. Actif, débrouillard et suffisant, il était l’homme qui convenait pour un journal d’avant-garde. On décida de lui confier la destinée du Décadent. Voici en quels termes un peu emphatiques il expose les raisons qui nécessitaient la création du Décadent : « Dans un but d’universalisation du beau, pour la première fois peut-être, prenant en pitié l’aberration des masses, nous avons daigné mettre à la portée du public une feuille qui fût comme le sanctuaire de l’art : le Décadent, sans abdiquer pourtant les hautes prérogatives du sacerdoce dont nous avons conscience. Eh bien ! l’épreuve honorable pour notre dévouement est la plus éclatante affirmation de l’impossibilité matérielle, manifeste, patente, de rompre jamais l’invincible attraction de la boue sur la prunelle des foules. Nous avons l’orgueil d’avoir vu notre tentative circonscrite au monde intellectuel, d’avoir plané si haut que le reste de l’humanité ne nous a pas compris, n’a guère pu que nous apercevoir [1]. » Ce n’était pourtant pas l’énergie qui manquait ni à son directeur ni à ses rédacteurs. Tous surmontaient les difficultés avec un admirable entrain ; il suffit d’écouter M. Baju narrer l’invrai-

  1. Anatole Baju, l’École décadente. Paris, Vanier, 1887.