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LE SYMBOLISME

explicative du Sonnet des Voyelles de Rimbaud, de Musique lointaine par Moréas, de Il pleure dans mon cœur par Verlaine. La musique de Verlaine est, du reste, la plus agréable à entendre. Mais cela ne suffit pas pour excepter le poète de la condamnation « dans laquelle les gens sensés doivent envelopper tous ses amis ». Ces peintres-musiciens ne sont en définitive que des disciples égarés d’Hartmann ; la philosophie de l’inconscient les a conduits à se prosterner à travers mille hallucinations devant la divinité ; mais Brahma est remplacé par le Christ. Les poètes du nouveau Parnasse sont tous catholiques ; en se convertissant, ils ont acquis le sentiment de leur impureté et voilà pourquoi le sadisme sera l’épilogue nécessaire de cette petite agitation artistique.

8. L’année d’après, le 18 septembre 1886, Jean Moréas réussit à glisser dans le Supplément du Figaro un manifeste littéraire où, reprenant les idées esquissées dans le XIXe siècle, il précise les théories de son école. Le symbolisme, explique-t-il, vient à son heure, car la mort de toute école appelle la naissance d’une école nouvelle. Moréas développe longuement cette idée dans son préambule, propose à nouveau l’étiquette de symbolisme pour désigner les tendances si diverses de l’école présente qu’il faudrait faire remonter par Baudelaire et Vigny jusqu’à Shakespeare, jusqu’aux mystiques, et plus loin encore. Il en vient enfin à tracer les principes généraux de cette poésie. Ennemie de l’enseignement, de la déclamation, de la fausse sensibilité, de la description objective, elle cherche à vêtir l’idée d’une forme sensible qui ne soit pas son but à elle-même. Elle est obscure comme les Pythiques de Pindare, l’Hamlet de Shakespeare, la Vita Nuova de Dante, le Second Faust de Goethe, la Tentation de saint Antoine de Flaubert. Elle réclame pour traduire sa synthèse « un style archétype et complexe, d’impollués vocables », une syntaxe aussi capricieuse que les volutes de la pensée, enfin toutes les combinaisons rythmiques qui peuvent aboutir à un