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LES CHAPERONS DU SYMBOLISME



2. Sous une forme plus amusante et plus ironique, les Déliquescences d’Adoré Floupette allaient vulgariser davantage le type de Des Esseintes. Le grand seigneur d’A Rebours y quitte sa thébaïde ; il déambule dans la rue ; il fréquente les cafés et les caveaux ; c’est l’esthète popularisé par la caricature, dont la distinction réside avant tout dans la chevelure et l’aveu de vices exécrés par les Philistins.

Les Déliquescences parurent en 1885. C’était un petit opuscule d’apparence modeste, à couverture bleu tendre, sur laquelle s’étalait en bleu foncé ce titre singulier : Les Déliquescences, poèmes décadents d’Adoré Floupette, avec sa vie, par Marius Tapora. — Byzance, Lion Vanné, 1885. L’auteur, Adoré Floupette, bien que certains journaux aient gravement affirmé l’avoir connu et même interviewé, n’existait en réalité que dans l’imagination d’un poète et d’un polygraphe. Ce pseudonyme dissimulait, en effet, la collaboration étroite de Gabriel Vicaire et de M. Henri Beauclair. Byzance, c’était Paris, mais le Paris des milieux décadents. Lion Vanné, c’était l’éditeur habituel des symbolistes, Léon Vanier, sur le nom duquel on avait joué par assonance et tiré ce « lion vanné » qui figurait assez plaisamment la lassitude mélancolique des bardes du quartier latin. L’ouvrage ou plutôt la brochure comptait au début 30 feuillets et d’abord avait été tiré à de rares spécimens pour les bibliophiles. Puis sa singularité lui ayant valu le succès, on en fit un tirage à 1.500 exemplaires qui s’épuisa en moins de quinze jours. La drôlerie du pamphlet après les amateurs entraînait le public. Sous leur forme définitive, les Déliquescences conprennent 47 pages de préface par Marius Tapora, pharmacien de 2e classe, 3 pages de liminaire par A. Floupette et enfin 25 pages de poème sans compter les blancs. Un pharmacien était tout indiqué pour préfacer le livre d’un de ses clients. Aussi Marius Tapora est-il pharmacien de 2e classe, non de 1re et cette infériorité parmi les apothicaires n’atténue point la malice de sa plume. Au contraire ! Il