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LE SYMBOLISME


Quand il abandonne le galimatias fantastique et libertin, il étudie des modernes dont le tempérament plus sensible à l’observation ne manque encore ni de fantaisie ni de sensualité ; parmi les romanciers, Balzac ; parmi les poètes, Baudelaire [1]. Son goût du mystère et les élans de la puberté l’entraînent donc vers une réalité supra-sensible où l’imagination et les sens entretiennent un commerce assez fiévreux. Ses débuts littéraires révèlent cette double tendance. Il faisait alors d’étranges nouvelles sous-marines à la façon d’Edgar Poe et d’Hoffmann. Il reconnaît que ses essais poétiques étaient parallèles à de mauvaises habitudes [2]. Il rimait à mort, disait-il, faisant des choses vraiment drôles dans le genre obscéno-macabre [3]. Toutefois, il gardait au cœur assez d’idéalisme pour ne pas se complaire dans la fange érotique. A mesure qu’il avance en âge, des poètes encore sensuels, mais déjà plus artistes, méritent son admiration.

Il s’enthousiasme pour la Philomela de Catulle Mendès et pour les Cariatides de Banville. Les Flèches d’Or d’Albert Glatigny et les Vignes folles lui sont une révélation. Les sens parlent encore haut en lui, pourtant il ne sera pas uniquement dominé par eux. Avant l’examen propre de son esthétique, ses sympathies et ses haines d’auteur en fournissent la preuve.

En art, il aime à rendre justice à chacun ; il sait avec précision discerner ce que chaque école comporte de vrai et de faux et il donne les raisons qui légitiment ses préférences ou ses dédains. Il reconnaît que le Romantisme a commis des fautes lourdes, mais quelles que soient les erreurs de Victor Hugo, « son seul héritage sérieux est nôtre, affirme-t-il, et nous le défendrons [4] ». Les naturalistes ont des qualités,

  1. Confessions, chap. XII, p. 73.
  2. Confessions, chap. XII, p. 76.
  3. Les Poètes maudits : Pauvre Lélian.
  4. Mémoires d’un veuf.