Il formule ailleurs encore le même principe, mais déjà le
caractère général de l’œuvre verlainienne est sensible. Il
existe une poésie purement gauloise que Villon a transmise
à La Fontaine. Verlaine prétend en hériter. Il croit que le
classicisme n’est pas condamné à l’éternelle imitation des
anciens, que cet outil de précision et de clarté si magistralement
forgé par les écrivains du passé peut heureusement
servir l’audace d’un novateur enthousiaste et sincère. Tels
sont les principes d’après lesquels Verlaine entreprend
d’exprimer sa divination de l’invisible, telle est la grande
règle à laquelle il veut obéir pour traduire ce par quoi
l’homme touche au mystère, l’amour et la religion, la femme
et Dieu.
2. L’expression de l’amour, chez Verlaine, est extrêmement
diverse ; elle serait presque contradictoire si l’on n’était prévenu
de l’extrême sincérité du poète et si l’on ne savait que
de tous les sentiments humains l’amour est celui qui soumet
l’homme aux pires fluctuations du cœur et de la raison. Verlaine
n’a pas échappé à cette loi. Délicieusement, orgueilleusement
peut-être, il a été le jouet heureux, malheureux et
quelquefois dégradé de la plus envahissante des passions.
« J’ai la fureur d’aimer, avoue-t-il, mon cœur si faible est
fou. »
N’importe quand, n’importe quel et n’importe où…
Je ne puis plus compter les chutes de mon cœur[1].
Dans cet état d’anémie affective, toutes les femmes lui
apparaissent avec des charmes également attirants :
Oh ! femmes, je vous aime toutes, là c’est dit…
Raffolant de la blonde douce et de la dure
Brune et de la virginité bête un petit[2]…
Et il répète son aveu, confirmant à la fois sa faiblesse et son désir :