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LE SYMBOLISME

formes pleines, les images expressives, les mots à sonorité métallique. Il est passionné d’art, mais son œuvre n’a que l’éclat des bijoux bien ciselés. Elle ne vit pas. Il reproduit à la perfection les scènes de la réalité ; il leur donne pour l’immortalité la beauté plastique du marbre, mais il leur inflige aussi sa froideur. Il éblouit l’œil, il n’émeut ni l’âme ni le cœur. Il enregistre un fait divers avec la précision d’un appareil photographique ; il le reproduit sur or en graveur, mais trop souvent il manque au coffret si merveilleusement ciselé toute « substantifique moelle ». Le Parnassien n’a vu dans l’art que la forme, son poème est un chef-d’œuvre de facture impeccable et de style parfait, mais avare de pensée et toujours vide d’émotion. Après avoir admiré son incomparable maîtrise d’expression, le lecteur s’étonne de la vanité de son art. Il se plaît à lui voir rendre en beauté les accidents éphémères de la vie, mais s’il lui reconnaît plus d’art qu’aux naturalistes il le regarde au fond comme le prêtre de la même hérésie. Il persiste à croire que les belles formes sont fragiles si elles ne revêtent pas de hautes pensées ou de nobles sentiments. Ce sont d’excellents ouvriers, conclut-il des Parnassiens, créateurs d’un merveilleux instrument dont ils n’ont pas su se servir ! Il ne les méprise pas, car leur dévotion à l’art est respectable et leur formule, quoique insuffisante, a donné pour les anthologies quelques petits chefs-d’œuvre, mais il rêve une poésie moins impassible qui tout en flattant son goût de la beauté formelle touche aussi sa raison et sa sensibilité.

3. Il montre moins de modération à l’égard du naturalisme. Au fracas du triomphe répond ici la virulence des attaques, l’accumulation des griefs, l’entassement du dégoût. Zola règne formidablement. Les protagonistes du réalisme sont sacrifiés au chef du naturalisme. Flaubert tout entier ainsi que les Goncourt encombrent les boîtes des quais. Par contre, les murs de Paris s’armorient d’affiches qui vantent