III
MORÉAS
Entre Verlaine et Mallarmé, moins instinctif que le premier et presque aussi théoricien que le second, se place Moréas. Ce poète étranger, venu d’Athènes, avec le goût du beau et la passion de l’originalité, recherche la spontanéité de Verlaine, tout en croyant au pouvoir de cette logique volontaire et artificielle qui caractérise l’esthétique de Mallarmé. Mais la sensualité est moins conforme à son tempérament que la préciosité ; l’orchestration rationnelle s’accommode mal à son art de grec qui voit dans l’héritage gréco-latin la raison suprême de la prospérité littéraire pour notre pays et qui pense qu’à côté du mysticisme chrétien ou des philosophies nébuleuses issues du Nord, la tradition classique mérite de conserver son rang. Il en relève le drapeau abaissé devant le mystère religieux ou philosophique. Voisin de Verlaine par l’émotion sensible, assez proche de Mallarmé par l’émotion intellectuelle, il néglige bientôt la recherche de la sensation ou de la pensée pour concentrer ses efforts sur la réforme formelle indiquée par Mallarmé. Aussi grammairien que poète, il entreprend de poursuivre cet enrichissement méthodique de la langue, inauguré au xixe siècle par Victor Hugo, ose une rénovation moins syntaxique que philologique, et par une évolution curieuse, renonçant à infliger à notre littérature et la perversité de Verlaine, et l’obscurité de Mallarmé et même la nouveauté des vocables moyenâgeux, en’ arrive à revendiquer hautement, contre le symbolisme, l’impérissable pureté de l’art classique.