Cette beauté, il croit l’atteindre sur terre dans la Femme.
Par malheur, les filles d’Ève n’ont que les apparences de
l’idéal. Elles sont infidèles, trompeuses, et leur amour est
satisfait d’un présent singulièrement matériel.
Car la femme ne se soucie
Pas plus de demain que d’hier[1].
Jouet aimable, auquel il ne faut rien demander que la
sensation violente d’un amour bestial
[2] ou la volupté des
étreintes charnelles.
Je ne veux pas savoir quels pôles
Ta folle orbite a dépassés.
Tends-moi tes seins et tes épaules
Que je les baise ; c’est assez[3].
Il y a dans ce geste moins de sensualité que de résignation
douloureuse. Invinciblement le poète songe qu’il n’aime dans
la femme que son propre rêve de beauté :
Ce ne sont pas choses charnelles
Qui font ton attrait non pareil
Qui conservent à tes prunelles
Ces mêmes rayons de soleil[4].
Et de même que Verlaine fait le rêve familier d’une femme
idéale, Charles Cros s’abandonne à des vœux pareils :
..... Je voudrais une sœur,
Une femme rêvant avec moi côte à côte,
Frissonnante, croyant qu’elle fait une faute,
Et nous nous aimerions d’un amour immortel
Sans stores de voitures et sans chambre d’hôtel[5].