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LE SYMBOLISME

essentielle de la métrique française et que la poésie ne perd rien à tolérer, sur ce chapitre, quelques libertés, pourvu que le vers soit régulier et qu’en définitive il y ait rime. La rime, en effet, lui paraît indispensable. Contrairement aux novateurs prosodiques du symbolisme, c’est sur elle et sur ses variations qu’il base son art d’évocation. Ceux qui ont expérimenté l’ivresse du haschich, trouveront dans son Coin de tableau, ce poème écrit sur deux rimes, une interprétation suggestive de ces heures troubles. L’excitation du poison y est excellemment traduite par le retour de sons identiques. La répétition même de ces consonnances à diverses places d’un vers déjà court, figure bien ces coups de cloche obsédante qui tintent aux oreilles du patient, durant l’action du poison :

Tiède et blanc était le sein
Toute blanche était la chatte.
Le sein soulevait la chatte
La chatte griffait le sein.

Les oreilles de la chatte
Faisaient ombre sur le sein.
Rose était le bout du sein
Comme le nez de la chatte.

Un signe noir sur le sein
Intrigua longtemps la chatte ;
Puis vers d’autres jeux la chatte
Courut, laissant nu le sein.


Cros est d’ailleurs un virtuose du refrain. Il en tire des effets d’un symbolisme puissant, quoique facilement perceptible. Les onomatopées, qui, dans le poème de l’Orgue, reviennent au quatrième vers de la strophe, accroissent l’impression funèbre qui se dégage de cette complainte :

Sous un roi d’Allemagne ancien
Est mort Gottlieb le musicien.
On l’a cloué sous les planches
Hou ! hou ! hou !
Le vent souffle dans les branches.