obscur que Ghil. Sa muse affectionne les gestes précieux,
sans dédaigner peut-être assez les airs puérils et les grâces
vieillottes. Entre Ghil et lui, il n’y a souvent d’autre différence
qu’un degré de ton : celui qui distingue une fanfare
d’une quintette en chambre !
4. Camille Mauclair. — Les mêmes réflexions s’appliquent
à la poésie d’ailleurs si fort éclectique de Camille Mauclair.
Il est de fait extrêmement difficile d’assigner une place exacte
dans le mouvement symboliste à ce poète qu’une virtuosité
égale dans tous les genres littéraires a fait en même temps le
disciple habile de Mallarmé, de Verlaine, de Mæterlinck, de
Mockel et de Gustave Kahn. Camille Mauclair a par excellence
cette « puissance géniale qu’Emerson caractérise en
disant qu’elle consiste à être une parfaite réceptivité et à
souffrir que l’esprit de l’heure passe sans obstruction à travers
la pensée
[1] ». L’esprit de l’heure, voilà bien la Muse de
Camille Mauclair. Qu’on étudie ses Sonatines d’automne,
ou son recueil, le Sang parle, on y trouve le double reflet
des mélodistes et des harmonistes. Toutes les formes du
vers semblent bonnes au poète pour se jouer à lui-même de
petites sonates, où la nonchalance et la violence alternent à
travers une gaîté mesurée plus souvent mélancolique que
souriante. Cet éclectisme ne va pas sans quelque indécision :
aussi la personnalité est-elle ce qui manque le plus aux
poèmes de Camille Mauclair.
5. Stuart Merrill. — Il y en a davantage dans l’œuvre de Stuart Merrill, à condition de faire la part des tâtonnements au milieu desquels s’est longtemps cherché ce poète. Stuart Merrill d’abord essaya de concilier la grâce de Mockel et l’éclat vigoureux de Ghil. Son premier recueil, les Gammes, d’où l’influence parnassienne n’est pas exclue, révèle le goût
- ↑ Essai sur Shakespeare.