Page:Barre - Le Symbolisme, 1911.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
LA GENÈSE DU MOUVEMENT SYMBOLISTE

ensuite les frémissements avec une méthode et dans un langage appropriés ; car à un motif différent d’inspiration devait correspondre un verbe sinon radicalement transformé, au moins amplement modifié. C’était donc dans l’art poétique une double révolution. Par haine du naturalisme, on prétendait ouvrir au génie une voie nouvelle et féconde. Par crainte de son insuffisance autant que par dégoût de ses procédés, on songeait à rejeter l’ancienne technique, à forger un instrument original plus en harmonie avec l’œuvre à réaliser. Il fallait du nouveau à tout prix dans le fond comme dans la forme : « L’un des éléments de l’Art, affirme péremptoirement Remy de Gourmont [1], est le Nouveau, élément si essentiel qu’il institue presque à lui seul l’art tout entier et si essentiel que sans lui, comme un vertébré sans vertèbres, l’Art s’écroule et se liquéfie dans une gélatine de méduse que le jusant délaissa sur le sable. » C’est à ce nouveau que s’efforceront les symbolistes, chacun dans la mesure de son tempérament, mais tous avec une ardeur égale, et en dépit des étiquettes dont ils s’affubleront plus tard pour déterminer dans le bouleversement commun de la poésie française, le caractère particulier de leurs tendances et de leurs œuvres.



  1. Le Symbolisme, Revue blanche, 1892, p. 321.