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LE SYMBOLISME



Je connaissais Madame de Cicé,
De ce monde ancien à tout jamais passé,
Dévote, et bonne, et douce avec un fond plus triste,
Dès le berceau nourrie an dogme janséniste
Par sa mère autrefois la présidente de…
Mais sous cette rigueur laisant aimer son Dieu.


Et il les fait suivre de ce commentaire : « Si l’on avait nommé la présidente, par exemple la présidente de Novion ou de Lamoignon, le de se prononçait en courant et sans qu’on y insistât, mais du moment qu’on s’arrête tout court après, le de prend l’accent et il se prononce exactement comme s’il s’écrivait deu, ce qui nous a paru faire une rime très suffisante dans ce genre familier, sermo pedestris. »

À ces libertés de poète, Sainte-Beuve ajoute la passion du philologue toujours en quête de singularités grammaticales. Il essaie ici de rajeunir le style du xvie siècle, là de restaurer un mot tombé dans l’oubli ; ailleurs il discute de petits problèmes littéraires ou donne son avis sur des questions d’érudition. C’est un artiste doublé d’un grammairien ; il oriente la poésie vers un idéal plus spiritualiste, mais aussi plus atténué. Il indique les ressources d’une versification plus subtile. Par lui la génération qui venait put connaître qu’il y avait encore des trésors à exploiter et elle sut où les déterrer. Si elle découvrait que l’érudition philologique pouvait être un auxiliaire cher aux Muses, elle apprenait et retenait qu’il y avait une poésie de l’indéfini et une littérature du mystère.

8. Balzac survient qui lui en renouvelle l’exemple. Il ajoute à ces conceptions du vague poétique, le témoignage d’une âme qu’a tourmentée le problème de l’absolu. Il écrit deux études d’un caractère mystique nettement établi et qui se complètent l’une l’autre : Louis Lambert et Séraphita. Les doubles préoccupations théoriques et pratiques de Joseph Delorme se retrouvent en effet dans Louis Lambert. Cet enfant précoce qui, dès le collège, inventait un véritable