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LE SYMBOLISME

membres de ce cercle se divisèrent encore ; les uns fondèrent les Jeunes (1883), les autres les Zutistes. L’organisateur des Jeunes fut d’Orllanges ; il reprit avec un succès éphémère le procédé de Maurice Petit. Après avoir quelque temps réuni chez lui un certain nombre d’amis, il transporta le siège de la société rue des Quatre-Vents, dans un petit café voisin d’une charcuterie. On tenait là des séances hebdomadaires auxquelles assistaient Montorgueil, Jean Rameau, Georges d’Esparbès, Léon Riotor, Jean Blaize et les deux frères Gaboriau [1].

Quant aux Zutistes, ils ne vécurent que quelques mois. Dès 1884, ils émigrèrent chez Mathis, rue Cujas, et fondèrent le cercle des Jemenfoutistes. Le programme de ce nouveau cénacle paraît bien n’avoir visé qu’à l’excentricité. Sous prétexte de mépriser les convenances, on rechercha tout ce qui pouvait attirer l’attention sur les membres de la société. À la séance d’inauguration assistèrent Georges Moynet, Georges Lorin, Jehan Moréas, le Dr Monin, Émile Cohl, Louis Villabonais, Georges Rall, Léo Trézenik. On y commença la série des excentricités que la presse reprocha si violemment plus tard à quelques symbolistes, excentricités qui toutes, il faut le reconnaître, ne manquaient pas d’esprit. À cette première réunion Georges Moynet chanta de vieilles chansons. Après lui la parole fut donnée à Georges Lorin et à Jehan Moréas pour une conférence contradictoire. Les deux orateurs jugèrent, comme il convenait, les poètes contemporains. L’un et l’autre conclurent en décrétant « qu’un artiste ne doit jamais faire de politique, vu que rien n’existe en dehors de l’art ». Le Dr Monin voulut bien ensuite improviser une causerie sur la « morphinomanie comparée de Bismarck et d’un poète ami intime de Moréas ». Comme on en était aux théories, Louis Villabonais émit une hypothèse audacieuse sur la façon dont avait été composé Sarah Bar-

  1. Cf. sur les Jeunes, Marcel Bailliot, la Plume, 15 octobre 1890.