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Page:Barrière-Flavy - Etude sur les sépultures barbares du Midi et de l'Ouest de la France, Privat, 1893.pdf/44

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étude sur les sépultures barbares

conséquent, ennemis de l’Église romaine. Tant que leur zèle religieux n’atteignit pas aux excès du fanatisme, ils vécurent en bonne intelligence avec la population gallo-romaine et le clergé chrétien ; mais dès qu’Euric eut ouvert l’ère des persécutions vis-à-vis des évêques, l’attitude des indigènes changea aussitôt, et d’ami le peuple devint hostile. Le christianisme, en présence de la puissance toujours croissante du roi goth, songea à gagner à sa cause un parti qu’il pût opposer à ces barbares du Midi aussi bien qu’à ceux de la Bourgogne. Son choix se fixa sur Clovis, car il était plus aisé de convertir à la vraie foi ce farouche et ambitieux guerrier que de ramener dans le chemin de la vérité ce monarque hérétique qui voyait la plus grande partie de la Gaule soumise à ses lois. En cette circonstance, les princes wisigoths ne surent pas profiter de l’occasion qui leur était offerte de devenir les maîtres des destinées de l’Occident : un autre plus habile ne la laissa point échapper[1].

Aussi, quand à l’appel des évêques, Clovis fit son entrée dans le royaume d’Alaric, vit-il la population gallo-romaine, fortement attachée à l’orthodoxie, se porter avec joie au-devant de ses troupes comme à la rencontre d’un libérateur, et lui ouvrir les portes des cités[2].

Toutefois, l’occupation du midi de la Gaule par le conquérant ne doit pas être prise au pied de la lettre ; il passa en pillant à travers ces fertiles provinces, et s'en retourna ne laissant après lui que quelques garnisons sur les limites du territoire conservé par les Wisigoths. Les campagnes qui se trouvaient sur le passage des envahisseurs reçurent seules leur visite passagère. Presque tout le territoire méridional, même à ce moment-là, resta occupé par la même population. Les Goths, comme on le sait, répugnant à s’allier à toute autre race, se replièrent dans les provinces où dominait le reste de leur nation, conservant ainsi, pures de tout mélange, leur civilisation et leur industrie. Il ne pouvait en être de même des Francs, perdus au milieu d’une nombreuse population gallo-romaine avec laquelle ils ne tardèrent pas à se conf’ondre pour disparaître bientôt entièrement[3].

  1. Ozanam, La civilisation chrétienne chez les Francs, p.57. - « .. . Il faut bien reconnaître que les Francs, au sortir de la basilique de Reims, ne se trouvèrent point magiquement transformés en d’autres hommes. Le doux Sicambre ne renonça ni au meurtre des chefs de sa famille, ni au pillage des villes d’Aquitaine ... Rien donc ne paraissait changé. Ces désordres continuaient ceux des siècles précédents : il n’y avait dans les Gaules que six mille chrétiens de plus. Mais les moments qui décident du sort des nations se cachent dans le cours ordinaire du temps ; le propre du génie est de les saisir, et ce fut le mérite du clergé gallo-romain. Il ne méconnut point les vices des Francs, il en fit la dure expérience ; mais il connut aussi leur mission. Il ne s’effraya point de ce qu’il lui en coûterait de travaux et d’humiliations pour aider à ce grand ouvrage et pour tirer d’un peuple si grossier tout ce que la Providence en voulait faire ... La destinée des Francs était renfermée dans ces termes : commencer la grandeur temporelle de l’Église, continuer les Romains et finir les invasions ... »
  2. Sidoine Apollinaire, Lettre XCVII, à Basilius.
  3. DrRigollot, Recherches historiques sur les peuples de la race teutonique qui envahirent la Gaule au cinquième siècle.