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Page:Barrière - Murger - La Vie de bohème, 1849.djvu/140

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la vie de bohême

Mimi.

Dam !… qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? On m’avait dit que j’étais un obstacle à ton bonheur ; je doutais d’abord… mais depuis… (Soupirant.) Ah !… enfin… ça m’a décidée. J’ai cru que tu m’avais oubliée pour de bon, et j’ai couru à la rivière ; où voulais-tu que j’aille ?

Rodolphe, avec amour.

Mimi !

Mimi.

J’ai regardé l’eau couler ; elle était bien sale ! Ça n’était pas beau, va ! Je me tenais appuyée contre le parapet, je regardais machinalement autour de moi. Tout-à-coup, je ne sais pas comment, mes yeux se sont tournés du côté du quai, et j’ai aperçu, à notre petite fenêtre, la lumière que j’avais oublié d’éteindre. Tout mon bonheur passé semblait me regarder par cette fenêtre. Alors j’ai oublié la grande dame, j’ai oublié la rivière, et je n’ai plus pensé qu’à toi. Je me suis rappelé le temps où nous avions vécu dans cette chambre. Dans ce temps-là, tu te souviens, la lumière brûlait tard aussi ; tu travaillais dans la nuit, et de temps en temps tu te dérangeais pour venir m’embrasser dans mon lit. Tous ces souvenirs avaient un peu troublé mes idées ; la rivière gonflée avait beau me dire : Viens-tu ? en grondant sous les arches… je ne me pressais pas et je me disais : Quand je serai au fond de l’eau, il ne pourra plus venir m’embrasser. Cependant il fallait bien en finir, et je n’étais pas venue là pour m’amuser ; je me suis penchée de nouveau sur le parapet, mais le courage m’a encore manqué. Alors j’ai regardé la fenêtre où la lumière brûlait toujours, et je me suis dit : J’irai dans l’eau quand la lumière s’éteindra. Ah ! vois-tu,