Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 1.djvu/25

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maison qu’accoururent spontanément des représentants de toutes les fractions de la majorité pour aller d’abord chez M. le comte Daru, vice-président de l’Assemblée, puis à la mairie du Xe arrondissement où, par une délibération unanime, le Président de la république fut traduit devant la haute cour comme coupable de haute trahison. Cette délibération, strictement légale, avait le plein assentiment de M. Barrot. Conduit avec ses collègues à la caserne du quai d’Orsay, entre deux rangs de soldats, il refusa l’élargissement qu’on lui offrait en souvenir de la haute position qu’il avait occupée. Il avait l’âme trop fière pour vouloir se séparer de ses collègues et, enfermé à Vincennes, il fallut user de ruse pour lui rendre la liberté avec plusieurs de ses collègues.

À partir de ce moment jusqu’aux derniers jours de l’empire, M. Odilon Barrot resta complétement étranger aux affaires publiques, déplorant la ruine des institutions parlementaires, prévoyant les malheurs que le despotisme devait attirer sur la France, gémissant sur l’abdication de cette nation, autrefois si libérale, et qui paraissait accepter son abaissement sans trop de répugnance, mais prêt à recommencer la lutte le jour où la lutte serait possible. Il permit donc que sa candidature fût posée à Strasbourg contre une candidature officielle ; la pression administrative était trop forte et il ne put pas venir, à côté de M. Thiers, réclamer à la tribune les libertés nécessaires. Néanmoins, par son attitude, par son langage, par ses écrits, il contribua aussi au réveil de l’opinion publique. De-