Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 1.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nation fortement motivée. C’est surtout au point de vue moral qu’il la réprouvait : « La centralisation, disait-il, détruit chez les peuples toute fierté, toute intelligence et jusqu’au goût des affaires publiques. La question de la bonne ou de la mauvaise administration est bien secondaire à côté de la question morale. Que les citoyens fassent bien ou mal leurs affaires, cela sans doute est important ; mais il y a quelque chose de plus important encore, c’est qu’ils les fassent, et qu’en les faisant ils apprennent à défendre leurs droits, à respecter ceux d’autrui et surtout qu’ils y puisent cette dignité, cette confiance, cette force virile que donne toujours la pratique des devoirs publics. » Pour M. Barrot, cet intérêt primait tous les autres : aussi, quand, au début de l’Assemblée actuelle, il la vit former une commission de décentralisation et attribuer à la plupart des communes la nomination de leurs maires, éprouva-t-il une joie sincère et commença-t-il à mieux augurer de l’avenir de la France. Ce n’était, selon lui, qu’un premier pas, mais que d’autres devaient suivre. Qu’aurait-il pensé s’il avait assez vécu pour voir la même assemblée rebrousser chemin, rétracter ses premiers votes et revenir à une des plus mauvaises lois de l’empire en rendant à l’administration la libre nomination des maires, sans même exiger, comme sous le gouvernement de 1830, qu’ils fussent pris dans les conseils municipaux ?

Sur cette question de la centralisation, M. Odilon Barrot était d’accord avec la presque totalité du parti libéral. Il en fut autrement quand, dix ans après, il