Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 1.djvu/47

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découragement, et j’ai fini par céder, je viens de le faire nommer sous-préfet. — Tu t’es bien pressé : tous les jeunes gens ont passé par ces moments de découragement. Envoie-moi ton fils, je verrai bientôt ce dont il est capable, et, s’il en est temps encore, nous lui ouvrirons une carrière dans laquelle il ne relèvera que de lui-même. »

Le lendemain de bonne heure, j’étais dans le cabinet de M. Mailhe qui, après avoir causé avec moi pendant quelques instants de droit et de jurisprudence, me dit : « Hé bien, jeune homme, votre père m’a dit que vous préfériez la carrière des places à celle du barreau ! » Je lui expliquai de mon mieux que ce n’était pas par goût, mais par nécessité ; que j’étais l’aîné d’une nombreuse famille, que mes parents avaient de lourdes charges à supporter, etc. « Ah ! je vois, me dit-il en m’interrompant, ce qui vous manque : c’est de voir devant vous un but certain à atteindre. Il y a moyen d’y pourvoir : voulez-vous travailler avec moi ? — Certainement, lui répondis-je sans hésiter, devinant la pensée de ce brave homme. — Hé bien, j’ai précisément dans ma maison un rez-de-chaussée (il demeurait alors rue Monsieur-le-Prince), un petit appartement tout à fait indépendant et qui vous conviendra ; nous ferons ménage ensemble. Allez chercher votre paquet. »

Le soir même j’étais installé chez M. Mailhe : la sous-préfecture était refusée ; les fumées de la vanité s’étaient évanouies et avaient heureusement fait place à de fortes résolutions de travail.

Une perspective sérieuse m’était enfin ouverte : j’avais devant les yeux un but vers lequel mes efforts pouvaient se porter, et que je me sentais la force d’atteindre.

Lorsque j’avais accepté le patronage de M. Mailhe avec la chance de lui succéder un jour, j’avais à peine