Aller au contenu

Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 2.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fallait, en outre, veiller à ce que ces individualités, si peu à craindre, tant qu’elles sont isolées les unes des autres, mais si redoutables lorsqu’elles sont agglomérées par une passion commune, ne pussent jamais se réunir dans un sentiment et dans un effort commun. Dans de telles conditions, le despotisme peut vivre, mais de cette vie précaire du despotisme qui est soumise à d’autres causes de mort qui lui sont propres la conspiration de Mallet est là pour prouver que le despotisme lui-même pas aux dangers inévitables de l’excès de centralisation.

Or, la Restauration se plaça précisément dans des conditions contraires elle fournit par la presse et la tribune aux individualités jusque-là isolées impuissantes, les moyens de se rapprocher, de s’agglomérer. Puis elle se chargea, par ses attaques contre les vanités et les intérêts de la révolution, de réunir dans une passion commune toutes ces individualités elle formait ainsi à plaisir la tempête qui devait l’emporter.

On agite tous les jours la question de savoir s’il n’eût pas mieux valu, en 1830, accepter l’abdication de Charles X et garder son fils encore enfant ce qui eût, diton, sauvé tout à la fois la monarchie et la liberté. Question oiseuse le choix n’était pas possible. Ce malheureux gouvernement ayant été assez insensé, assez imprévoyant, pour amener les choses jusqu’à une bataille de trois jours dans les rues de Paris les vainqueurs eux-mêmes furent bien obligés de compter avec les passions de la multitude qui venait de combattre et de vaincre. Certes, la plupart des 221 eussent été heureux de pouvoir s’arrêter à l’abdication du roi, mais le peuple, qui avait combattu et versé son sang, criait avec fureur plus de Bourbons !… et ce fut à grand peine qu’on put lui faire accepter la transaction d’un prince de la branche d’Orléans. Que si toute