Page:Barrot - Mémoires posthumes, tome 2.djvu/23

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cère des institutions libres. Elle abusa le chef de l’État sur ses véritables forces, l’encouragea dans sa résistance aveugle, opiniâtre à toute réforme, et par cela même rendit inévitable une révolution, tout en la faisant dépendre d’un seul coup frappé au cœur.

Enfer des institutions libres sur le tronc de l’Empire. c’est une œuvre impossible pour les monarchies représentatives et plus impossible encore pour une république et cependant cette œuvre, qui avorte toujours, est toujours recommencée. Quatre ou cinq expériences éclatantes en ont démontré l’impossibilité : suffiront-elles pour éclairer la France ? Je n’oserais. l’affirmer.

Sans prétendre assimiler la chute du gouvernement de Louis-Philippe à la chute du gouvernement de Charles X et tout en faisant la part des différences qui existent au moins dans les causes immédiates de ces deux révolutions l’une ayant été faite pour défendre le droit et la constitution l’autre l’ayant été, on ne peut le nier, en violation du droit constitutionnel l’une ayant eu le parlement pour auteur et régulateur : l’autre ayant été faite contre le parlement, on ne peut disconvenir qu’il n’y ait eu entre ces deux révolutions de très-frappants rapports ; ainsi, dans l’une comme dans l’autre, c’est la population de Paris qui a pris l’initiative de l’insurrection et, par cette initiative, a entraîné le reste de la France ; dans l’une comme dans l’autre, la prise des Tuileries a terminé la lutte et rendu toute résistance impossible. Enfin, dans la révolution de 1848, comme dans celle de 1830. ce sont toutes les individualités dont se compose l’immense population de Paris, individualités impuissantes pour résister et réformer pacifiquement, qui, réunies par une passion commune, ont produit cet ouragan que la force organisée n’a pu arrêter et contre lequel elle n’a même pas sérieusement lutté.