Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/75

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Laure chanta : sa voix prenante accusait le relief du rôle ; d’une main jolie elle tournait les pages de la partition ; appuyée au dossier de la chaise du musicien, alanguie ou dressée, elle fleurissait, plante à la souple tige, dans l’atmosphère musicale ; la caresse des accords jouait sur son front ; ses attitudes et les inflexions de sa voix ajoutaient une autre eurythmie à la puissance enveloppante de la symphonie. Quand s’abaissaient les cils d’ambre de la chanteuse, Robert sentait comme une fluidité d’ondes tièdes, qui passait sur lui et noyait son cœur.

Ce sentiment nouveau, insoupçonné, où il entrait du respect, du désir et de la crainte, n’avait rien de commun avec la camaraderie sensuelle qui jusqu’alors l’avait porté insouciant vers des amies.


Robert, sur le minuit, prit congé de la famille Vignon, en promettant de revenir le lendemain pour l’audition du deuxième acte.

Il se retrouva seul sur le boulevard comme au sortir d’une débauche, éveillé à l’idéal, ivre de sensations et d’inconnu. Il s’efforçait à se dominer,