Page:Barrucand - La vie véritable du citoyen Jean Rossignol.djvu/237

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voir par qui et comment cela m’était venu[1]

  1. « Alors il s’opéra une grande révolution dans l’armée des Côtes de La Rochelle ; elle commença par la chute d’un grand : Biron fut destitué. Le Conseil exécutif lui donna pour successeur un général plébéien : Rossignol vint prendre le commandement de l’armée et établit son quartier général à Saumur. Cette promotion, contre laquelle tant d’hommes puissants se sont élevés, n’en était pas moins un coup de parti, un événement très heureux dans l’Ouest. Les chefs des Rebelles s’en alarmèrent : ils sentirent bien qu’ils n’avaient rien à espérer d’un général républicain dont les principes n’étaient pas équivoques et que Rossignol ne serait pas aussi complaisant que son prédécesseur.

    « L’élévation de Rossignol au premier grade de l’armée produisit encore un effet salutaire sur l’opinion ; elle arrêta cette défection morale qui enlevait chaque jour de nombreux partisans à la République ; on vit bien qu’il fallait enfin se décider ; que les partis mitoyens n’étaient plus de saison ; que le patriotisme ne composerait pas avec l’aristocratie. La plupart des administrateurs, des agents de toute espèce employés dans les pays voisins de la Vendée, et qui jusqu’alors avaient cherché et n’avaient que trop réussi à se neutraliser et à ménager les deux partis, furent obligés de se prononcer. Plusieurs de ceux qui avaient favorisé secrètement les Vendéens, et qui n’osaient pas passer avec eux, devinrent républicains par crainte ; et si tous les malveillants ne furent pas comprimés, au moins leurs intelligences avec les rebelles ne furent plus aussi actives, leurs moyens aussi faciles, leurs secours aussi puissants.

    « Je suis l’ami de Rossignol et j’en fais gloire ; mais cela ne doit pas m’empêcher d’émettre librement mon opinion sur son compte : magis amica veritas. Brave, franc, loyal, désintéressé, Rossignol a toutes les qualités d’un républicain et n’a pas les talents nécessaires à un officier-général. Et cela ne contredit pas ce que j’ai dit plus haut de l’heureux effet qu’a produit sur l’opinion la promotion d’un plébéien au commandement de l’armée. Le seul reproche sérieux qu’on puisse faire à Rossignol, c’est de s’être mal entouré, et il avait d’autant plus besoin d’avoir près de lui des officiers instruits qu’il l’était peu, et que, souvent malade, il ne pouvait ni agir, ni rien voir par lui-même.

    « On a attribué à son impéritie les échecs qu’il a éprouvés, lors-