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Lundi, 16 janvier.

Je voudrais bien que l’on décidât, une bonne fois, ce que l’on doit croire de notre origine première.

Des anthropologistes n’avaient-ils pas déjà décrété que l’homme n’était qu’un singe perfectionné, et, bien que l’idée de redevoir quelque chose de soi-même à un chimpanzé ne soit pas trop flatteuse, le Darwinisme s’était soumis d’assez bonne grâce à considérer un jocko quelconque comme son père.

Maintenant, c’est autre chose, voilà que l’espèce humaine doit son origine à des légumes perfectionnés tout bonnement.

Savez-vous qui a fait cette découverte ? Une femme. Ce n’est pas mal trouvé, vous admettrez. Cependant, pour être juste, il ne faut pas lui donner tout le mérite de la nouveauté et de l’originalité.

Pythagore, l’inventeur de la métempsycose, n’a-t-il pas enseigné, bien avant elle, que les haricots avaient une âme ?

C’est en partant de ce principe, je suppose, que Madame Céline Renno a inventé le système de l’évolution végétale.

Il paraît que chacun porte en sa personne la marque indélébile de son origine première. Ainsi, par exemple, cette petite et grosse dame, dont le teint est d’un rouge éclatant, ressemble à une tomate, et cette jeune fille pâle et anémique serait sœur de l’asperge.

Ne dit-on pas aussi d’un odieux petit fat : Quel cornichon ? Et les femmes, dans l’exubérance de leur vive tendresse, n’appellent-elles pas leurs maris : cher chou ?

On ne saurait pourtant citer ce dernier exemple comme concluant.

Le catalogue des mots d’amitié féminins est vaste et se compose de matières un peu hétérogènes. S’il fallait s’en rapporter, pour l’origine du genre humain, à toutes les appellations que donnent les femmes, — les jeunes mariées surtout, — à leurs maris, on ne saurait où les classer.