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vant le nom de Mathias trop prosaïque, ne l’appelait plus après son mariage que Tébaldo.

Vous savez que, à la campagne, les innovations de ce genre sont peu appréciées. Le nom ne prit pas : on rit. on s’en moqua, on le défigura. De Tébaldo, on en fit Crébardeau, Rébadaud, etc., si bien que le pauvre garçon avouait que cela faisait le tourment de sa vie, et que de plus, avec ce nom nouveau, il ne se sentait pas marié du tout.

Ce qui est plus triste, triste à faire pleurer, c’est que ces surnoms, ces sobriquets, je devrais dire, — suggérés par l’affection conjugale — continuent encore par la force même de l’habitude, quand cette affection s’est refroidie, comme il arrive, dans quelques cas au moins.

Comme ils sonnent faux dans la bouche où la colère et le mécontentement ont tracé leur pli amer ! Quand l’épithète caressante accompagne les discussions acerbes, au lieu d’en atténuer le mauvais effet, elle les accentue davantage, soulignées qu’elles sont par la cruelle ironie des contrastes.

Passions rapidement sur ces exceptions au parfait bonheur filé par la généralité des époux, et continuons plutôt d’envisager le côté amusant de leurs petits travers.

Il y a des hommes et des femmes qui ne se désignent jamais autrement que par « son père» ou « sa mère, » soit qu’ils se parlent entre eux, soit qu’ils en parlent aux autres.

Un cas urgent faisait l’autre jour recourir une de mes amies au médecin le plus proche. Elle fut reçue à la porte par la femme du médecin même, qui, après avoir compris ce dont il s’agissait, cria à son mari :

— Viens vite ici, son père, on te demande.

— Oui, sa mère, répondit aussitôt le bon docteur.

Où était la dignité professionnelle ?

— Va demander cela à son père, disait-on un jour à un jeune enfant.

— Ce n’est pas son père, répliqua le petit, avec indignation, c’est mon père à moi.