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Oui, on l’admettra facilement, voilà, en effet, une excellente idée.

Mais les bonnes idées sont aussi nombreuses parmi nous que les étoiles du firmament et les grains de sable de la mer, et, elles restent presque toujours infructueuses et stériles.

Voyez donc, par exemple, depuis tant de temps qu’on parle des bienfaits d’une bibliothèque publique, où en sommes-nous avec ce beau projet ? Nos arrière-neveux l’obtiendront quand ils auront peut-être désappris çà lire.

Hélas ! il n’y a pas seulement les prédicateurs de la parole évangélique qui parlent dans le désert, les meilleurs discours, les plus sages paroles, trop souvent, vont où vont les neiges d’antan.

Et, pourtant, le besoin d’une maison de refuge est un besoin qui se fait sentir de plus en plus, Dieu sait !

Il n’y a rien de plus poignant que le spectacle de ces malheureux, mal vêtus, exposés aux intempéries des saisons, grelottants et bleuis par le froid, ou mouillés jusqu’aux os sous une pluie torrentielle.

Pendant que recouvert d’un épais manteau vous bataillez contre les rigueurs de la saison, luttant contre la violence du vent, la poussée de la pluie, vous songez pour ranimer votre courage au bon feu qui vous attend, à cet intérieur chaud et confortable où vous allez tout à l’heure reposer vos membres fatigués.

Eux, que vous laissez derrière vous, à quoi songent-ils ces déshérités de ce monde ? Quand ils auront lutté tout le jour, toutes les longues heures du soir, peuvent-ils seulement se consoler à la perspective du repos dans leur misérable réduit, aussi froid, aussi désolé que le ciel inclément.

Quel est ce monceau informe, homme ou femme, qui, accroupi près d’une borne, tient d’une main un vilain parapluie et de l’autre fait tourner la manivelle d’un méchant orgue de Barbarie, rendant, par saccades, des sons aigres et faux ? L’air qui grince ainsi devait jadis avoir