Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/151

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L’enfant fut, après la mort de ses parents, recueillie et adoptée par d’honnêtes cultivateurs, canadiens-français de Beauport ; elle y fut élevée jusqu’au jour où elle quitta sa famille d’adoption pour le cloître.

Va sans dire que la bonne religieuse n’avait d’anglais que le nom et que, nommée directrice de la salle St-Patrice, il lui fallut recommencer, avec ses compatriotes, l’étude de la langue anglo-saxonne qu’il lui arrive souvent de fusionner avec le français.

Toujours est-il que la sœur commanda aux infirmiers qui amenaient le patient sur un brancard de le déposer sur un lit vacant. Mais à peine le malade reposait-il sur le matelas qu’il s’en échappa des miaous lugubres, épouvantables, qui détonnèrent horriblement dans le silence de la salle.

— Mercy ! dit la sœur, il y avait des cats sous les couvertures. Tom, venez donc voir.

(Tom est le gardien préposé spécialement à la salle St-Patrice, qui a succédé à Joseph Cataplasme, ainsi nommé à cause de ses aptitudes dans la confection d’emplâtres de ce genre. Tom, dis-je, est un grand gaillard avec un air de politicien consommé, vous savez, ces airs de personnes qui promettent tout et ne donnent rien).

On souleva l’agonisant avec force précaution, on fit un examen minutieux dessus, dessous et dans le lit, puis tout autour de la chambre. Tom armé d’un balai se disposait même à punir les délinquants, mais on ne trouva rien. Pas plus de chat que sur la main.

Depuis ce jour, on entendit des bruits étranges dans la salle St-Patrice ; une nuit surtout, personne ne put dormir. Il sortait par tous les coins des gémissements, des plaintes qui remplissaient l’air et troublaient tout le monde. Une autre fois, on eut dit une meute de chiens furieux, aboyant, hurlant, aux alentours, qui tenait chacun en éveil.

Entretemps, un des malades rendit le dernier soupir et comme les gardiens le transportaient sur une civière,