Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/166

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En descendant à la ville, l’autre jour, sur les grands arbres du jardin Viger, j’aperçus un gentil oiselet, seul et silencieux, qui n’avait pas encore émigré avec ses frères.

Qui sait ? le pauvre petit avait peut-être été abandonné parce que ses ailes trop frêles se refusaient de le porter si loin.

Il était là, tout frissonnant, une de ses pattes recroquevillée sous lui ; ses plumes hérissées sur son corps mignon en faisaient comme une boule de duvet d’où l’on apercevait deux petits yeux noirs qui clignotaient sous la rosée tombant froide et abondante de ce ciel d’automne.

J’aurais voulu le réchauffer de mon souffle, lisser sous mes doigts ses pauvres plumes mouillées, et, le garder avec moi, pour qu’il me rappelât les chansons ensoleillées de l’été disparu, mais il n’entendit pas mon appel, et continua de regarder tristement le grand ciel gris, de ses petits yeux qui clignotaient.

Et je continuai ma promenade, foulant aux pieds les feuilles jaunies, qui avaient sous mes pas des craquements mélancoliques.

Est-il quelque chose de plus mortellement triste que la chute des feuilles ? D’abord, cette riche parure qui réjouissait tant les yeux prend des reflets châtoyants, ses nuances changent sous les atteintes du soleil et rougissent comme ces couleurs vives qui teignent les joues des jeunes consomptives.

L’agonie des feuilles a alors commencé, et bientôt la sève, — leur vie, leur âme, — ne coulera plus dans leurs veines. Ce sera la mort.

C’est pitié de les voir tomber une à une avec ce léger bruissement de suaires glissant sur les cercueils. Pas un souffle souvent ne remue les arbres et pourtant elles tombent, elles tombent toujours, comme des fruits trop mûrs que les rameaux ne peuvent plus porter.

C’est deux fois mourir que de mourir avec les feuilles.

Quand je partirai pour une vie meilleure, oui, meil-